HELLFEST 2022 - Le week-end de Margoth - Première partie
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J'aurais aimé dire que je suis montée dans une Delorean roulant à 88 Miles à l'heure pour passer directement du Hellfest 2019 à l'édition 2022. Ou encore que j'ai fait une impasse de trois ans pour cause de ras-le-bol qui commençait durement à se faire ressentir à ma dernière venue en terres clissonnaises. Eh bien non, on s'est bien coltiné une crise sanitaire qui nous a confiné et privé de concerts pendant deux bonnes années. Ce qui a obligé Ben Barbaud et ses équipes de repousser par deux fois une quinzième édition dont l'affiche originelle de 2020 était pourtant bien alléchante. Une affiche qui était reconduite quasi à l'identique d'une année sur l'autre pour qu'elle subisse une profonde mutation au cours des derniers mois, notamment à cause d'une situation sanitaire encore fragile et incertaine, notamment du côté outre-Atlantique où nombre de groupes ont préféré annuler leur venue sur le Vieux Continent, certainement pour éviter d'engager des frais financiers importants de logistique sans être vraiment sûrs que les différents pays autorisent au bout du compte les événements culturels à forte affluence. Ou il y avait Faith No More, grand absent, qui a annulé à cause de l'état psychologique fragile de Mike Patton. Immense déception, si ce n'est déchirement, pour ma part en ce qui concerne ce dernier cas (mais si on voit Mr. Bungle à l'affiche l'an prochain en compensation, je pardonnerais sans me faire prier). Puis il y a eu l'annonce tonitruante de la tenue du Hellfest sur deux weekends, histoire de marquer le coup d'une liberté culturelle retrouvée et rattraper le temps perdu. Qui a amené son dur cas de conscience : profiter de toute la fête sur les deux semaines ? Se contenter du premier weekend dont j'avais le billet depuis 2020 ? Ou encore troquer ce dernier afin de participer au second weekend avec son Metallica en guest de luxe, et quelques autres gourmandises – Alice Cooper et Triptykon ! – bien tentantes. La vie professionnelle du moment a permis de vite régler ce genre de questions existentielles : il n'y avait réellement que ce premier weekend où je pouvais me permettre de poser des congés. Tant pis pour Metallica, ce n'est pas comme si j'y vouais un fort affect. Plus décevant en revanche de louper les comparses de CoreAndCo, semblant avoir oublié leur soutien à l'underground dès lors que la promesse d'entendre un « Master Of Puppets » insufflé de l'énergie du troisième âge se profile.
Blague à part, quand bien même les petites pauses apéro à l'espace VIP m'ont fatalement manqué, je n'ai pas eu matière à m'ennuyer non plus au cours de cette édition 2022. Qui s'est déroulé à l'image de mon arrivée sur les grands parkings nouvellement mis à disposition cette année afin de désengorger les bas-côtés et la circulation afin de rendre la vie aux riverains, au calme. Une très bonne idée au demeurant même s'il reste encore quelques petits ajustements dans la mise en œuvre car si je n'ai eu personnellement aucun souci car arrivée en plein cœur de la nuit entre mercredi et jeudi où l'on devait se partager une navette avec trois autres pèlerins noctambules, c'était très loin d'être le même refrain lors des « heures de pointe » avec quelques heures d'attente. En plus de manquer au final de place alors qu'ils avaient pourtant prévu les choses en grand en terme de taille. Prévoyante, l'organisation a su réagir très rapidement en ouvrant un autre espace afin que tout le monde puisse se garer convenablement sans craindre d'hypothétique contravention et mise en fourrière pour parking sauvage. C'est que l'on peut critiquer la direction prise par la festival en terme de positionnement (à savoir le Disneyland du metal) mais pas sur son côté rodé en terme d'organisation, toujours encline à trouver des solutions, même partielles, aux imprévus ou à enregistrer les erreurs des précédentes éditions afin de les corriger. En cela 2022 s'est déroulée sans réellement d'anicroches et autres capotages, y compris du côté PMR autrement plus vivable par rapport en 2019 à ce qu'on m'en a raconté. Le fait d'avoir été privée de festival pendant trois ans doit également jouer dans la balance de l'acceptation, alors que cela m'avait profondément gavé la dernière fois, de ce qu'est devenu le Hellfest ces quelques dernières éditions. Sans aller dire que je m'y sente dans mon élément pour autant : la musique avant tout, retrouver des figures amicales de camping pour bien festoyer, voilà le principal. Qu'importe qu'autour l'ambiance et le public paraissent profondément artificiels – on fait des slams, des pogos et circles pits pour l'attraction parfois bien motivée par le boost des drogues limites aussi présentes qu'en rave party et autre festival de hard tech' par là où j'étais au camping, pas par simple spontanéité due à la musique – on a le public au reflet de ce que l'on véhicule finalement. Ce dernier constat que paraît d'autant plus flagrant au moment où j'écris ces lignes dans le sens où je ressors fraîchement du Motocultor, bénéficiant d'un public plus passionné amenant une ambiance globale bon enfant comme on pouvait le voir à Clisson entre 2006 et 2015. Ce genre de public qui aurait sans doute boudé – ou caillasser pour les cas plus imbibés – la prestation de Chef And The Gang, le groupe de Philippe Etchebest, passé sous le Metal Corner le jeudi soir, vraiment pas folichon avec son batteur en chef, certainement plus doué à monter une chantilly en battant du fouet qu'à faire monter la sauce derrière ses fûts. A Clisson, quand bien même le Metal Corner était très loin – heureusement – d'afficher l'affluence des têtes d'affiche en Mainstages, on était plutôt sur l'ovation « parce qu'il est célèbre, il passe à la télé ». On pourra faire le même constat des Metalliquoi et autre Frog Leap, combos issus de Youtubeurs, se contentant de simples reprises, fadasses et génériques pour le premier, plus personnelles mais affreusement trop répétitives dans l'exercice de métissage pour le second. Sachant le nombre de petits groupes français talentueux et méritants une telle opportunité d'exposition, il y a de quoi laisser un goût âcre dans la bouche de voir qu'une majorité accorde plus de crédit à ce genre de combos. Par chance, on a quand pu profiter d'un Hardcore Anal Hydrogen, visiblement ravi et honoré d'être là, en ouverture de cette soirée apéritive qui aura filé une sacré banane dans la joie et la bonne humeur. Avec autrement plus d'indifférence générale par rapport aux sus-cités car tant qu'il n'y a pas une star des écrans, et que l'on ne connaît pas les morceaux que l'on entend depuis vingt ou trente ans, OSEF, comme on dit dans le jargon.
Malgré tout, pas trop d'excès ce jeudi soir, la température commençant gentiment à grimper, je me sens prise d'un petit coup de chaud, amenant son beau coup de bar, binouze aidant. Pas de longue veillée afin d'être en forme pour la vraie ouverture du lendemain, secondée par ma padawan débutante du metal, qui m'avait un peu suivi en 2019, qui a décidé cette fois de rester avec moi tout du long. Une expérience aussi enrichissante pour elle que pour moi tant c'est un plaisir de partager ma passion à quelqu'un de réceptive et intéressant de voir un regard neuf et « innocent » sur un univers que l'on fréquente en long, en large et en travers depuis quasiment vingt ans (!). Un vendredi qui entame aussi l'enfer, le vrai... Pas le festival mais bel et bien la météo tant 2022 a été l'édition des extrêmes sur ces deux weekends : la fournaise pour le premier (pire qu'en 2018 où on avait déjà eu bien chaud), le déluge pour le deuxième. 2022 a également été une édition où je suis sortie de ma zone de confort tant j'ai passé pas mal de (bon) temps à la Valley, toujours snobée les éditions précédentes. Non pas pour rechercher de l'ombre mais surtout fait écho à des goûts musicaux qui évoluent – le côté doom et autres trips psyché, ce n'était pas trop ma tasse de thé il y a encore une dizaine d'années, c'est vraiment venu récemment. Et que l'affiche définitive faisait vraiment la part belle à ce genre de style avec moult groupes que je n'avais encore jamais vu contrairement à ce qu'il pouvait passer en parallèle sur d'autres scènes, notamment dans les grosses têtes d'affiche des Mainstage, soit déjà vues, soit pas forcément dans mes goûts. Mais vu comment ces dernières deviennent difficilement praticables à partir de 17/18h à cause de la foule, pas trop de regret de ne pas y être trop restée durant les heures de pointe. Et je pense d'ailleurs que c'est vraiment cette masse de foule qui finira par avoir raison au bout d'un moment du fait de continuer à venir afin de privilégier d'autres événements à taille humaine autrement plus confortable pour circuler et profiter des différents concerts.
Journée du vendredi
Peu de difficulté à sortir de la tente vu comment elle a très vite stocké la moiteur ambiante. C'est qu'une journée tournant autour des 38°C, ça lynche un peu et ce, dès le début. Même si tout du long, j'ai pu voir une partie des têtes rester au camping en mode « il fait trop chaud pour ces conneries » jusqu'au début des légères fraîcheurs de fin d'après-midi, il fallait admettre que l'on était finalement bien mieux sur le site. L'organisation a bien pris en compte les prévisions météo du weekend et, fort des problématiques soulevées lors d'une édition 2018 où il faisait également très chaud, a su réagir afin de limiter les dégâts : Hellfresh et portiques à jets cascade (même si c'était déjà mis en place en 2019) tournant à plein régime, divers brumisateurs géants ont été ajoutés et disposés çà et là sur le site et autres sessions aussi ponctuelles et fréquentes de lances à incendie aux abords des Mainstages. Sans compter que pour alimenter tout ce bousin et autres points d'eau potables, le raccordement s'est fait ailleurs que sur le château d'eau local afin d'éviter de le vider en 2 jours comme ça avait été le cas il y a 4 ans et garantir une profusion suffisante pour l'ensemble des festivités. Bref, moult choses pour se rafraîchir et éviter les malaises, surtout qu'une majorité de l'assistance n'a pas oublié ce principe de « solidarité metallique » où chacun veille les uns sur les autres, entre prévention, prêts de gourdes, bombes brumisateurs et crèmes solaires. Et lorsque l'on voit les chiffres finaux des entrées aux postes de secours tenant des ordres de plusieurs centaines de personnes, dérisoires alors que l'on parle de 60000 personnes foulant le site par jour, le drame a été évité avec brio. Et ce, même si les mauvaises langues diront que ce n'est vraiment pas très écolo – de toute manière, comment peut-on faire tenir un tel événement niveau taille et infrastructure sans dépenser sur l'eau, électricité et essence en démesure, c'est strictement impossible.
Pas le temps de niaiser car dès l'entrée au site, le rendez-vous était pris à la Valley afin d'assister au show d'Abrahma. Une position difficile pour eux, tant leur répertoire ne s'inscrit pas dans la joie de vivre et vient un peu s'opposer à ce côté « bouffées délirantes » d'enfin commencer et vivre un événement que l'on attendait depuis trois ans après avoir été privé de tout. Mais qui permet malgré tout de commencer avec une certaine douceur délicieusement plombante. Car si les débuts du groupe jouaient davantage sur une chaleur mélancolique un peu plus grungy, on s'inscrit aujourd'hui avec leur plus récente offrande, In Time For The Last Rays Of Light, dans du pur stoner/doom autrement plus sombre. Quand bien même le combo semble à fond dans leur propos, il n'empêche que l'on perçoit régulièrement à quel point ils les ressentent en eux « ces bouffées délirantes et papillons dans le ventre » de jouer dans un événement si prestigieux avec une assistance autrement plus importante en nombre que ce à quoi ils sont habitués en temps normal. Bref, très contents d'être là les messieurs et avec, de plus, un public plutôt bien garni pour un premier concert de matinée sur une petite scène. Alors qu'Abrahma est un groupe que je suis depuis sept ans et salue son potentiel certain qui ne cesse de s'aiguiser au même titre que son identité sonore au fil du temps, cela a été un vrai coup de cœur pour ma comparse qui se découvre par le même temps une vraie passion pour ce genre d'ambiances plombantes et autres torpeurs psychédéliques. Car les Parisiens sont loin d'avoir déshérités dans le fait de bien retranscrire leur répertoire en live avec une mise en son plus que correct et nous a bien transportés, malgré le côté plein jour et durée de show rachitique – 30 minutes – qui passe (beaucoup) trop vite.
C'est malheureusement un peu le mauvais point de cette édition dont le schéma se répète tout du long de ces trois jours : un premier concert qui m'intéresse dès le tout premier créneau pour ensuite se retrouver avec quelques créneaux fort creux. Mention spéciale à cette première journée, dont le programme est beaucoup plus light que le reste, où la pause s'avère assez longue. Où l'on se décide à se restaurer, hydrater le gosier en découvrant avec une certaine stupéfaction que le crû de muscadet de cette année est autrement plus goûtu qu'auparavant – la pisse de metalleux au coin des vignes ne serait donc pas un aussi bon exhausteur de goût que cela ? – et se balader tranquillement sur le site afin de découvrir les nouveautés d'infrastructure. Pour enfin tomber et suivre une dizaine de minutes la prestation des Brésiliens d'Ego Kill Talent. Dont on imagine que ses membres doivent avoir un sacré melon s'ils respectent à la lettre leur intitulé tant je cherche encore à y trouver une once de talent. Loin de s'inscrire dans de la catastrophe sonore non plus, mais on se situe ici dans un registre rock survitaminé aussi simple que générique, asséné sans spécialement que l'on ne discerne la moindre saveur. Qu'importe que le groupe semble réellement ravi d'être ici et n'économise pas son énergie, la chantilly ne monte pas en ce qui nous concerne. On patientera encore quelques heures pour s'enjailler sur un tout autre répertoire sud-Américain, marinant certes bien plus dans son vieux pot le soupe qui en ressort n'en est que meilleure. Après ce petit passage un peu « mouèèèè », nous décidons de poursuivre ce gros moment de creux à l'extérieur du site, notamment afin de s'approvisionner de la sainte-pastèque qui a sans doute dû sauver moult vies.
Mauvais calcul sur le temps de retour vu que nous arrivons sur la fin de la prestation de Leprous. Notamment par le son de Elder sous la Valley alléchée sur le trajet où nous sommes restées bloquées pas moins de quinze/vingt minutes. Revival rock 70's hyper viscéral, légèrement psyché et plus riche qu'il n'y paraît au premier abord dès lors qu'on gratte le vernis de façade pour paraître presque prog, voilà une excellente découverte prise de manière totalement imprévue qui nous a laissé sur le cul. Le reste de l'assistance également, plus que chaleureuse dans ses ovations Pas trop de regret pour Leprous néanmoins : le rattrapage sera fait lors du Motocultor moins de deux mois plus tard, sur un créneau de tête d'affiche qui plus est.
Nous nous rendons malgré tout aux Mainstages afin de la prise de relai par Inspector Cluzo. Un duo que je ne connaissais que de nom et dont c'était l'occasion de découvrir plus concrètement ce qu'il pouvait bien se dégager de ces deux larrons, fiers d'être agriculteurs dans la vie. Carrière à la ville – pas vraiment mais on se comprend – qui ne laisse pour autant pas transparaître un concept à la Steve'N'Seagull qui revisite le hard rock à la sauce country. Encore moins d'opter pour des tenues à la redneck bouseux du fin fond des States. Car ici, on sort le costard du dimanche et l'on envoie la sauce rock, s'enracinant dans le bluesy brut de pomme un brin garage, de la manière la plus simple et authentique (« sans ordinateur et sans machine » dixit les intéressés) qui soit. Rien d'exceptionnel là encore mais il faut reconnaître que le feeling est là, palpable, l'envie de transmettre bien réelle, que ce soit leur passion musicale que leur vocation d'exploitant bio dont les différents discours un brin moralistes trouveront autant d'adeptes que d'âmes indifférentes, voire blasées dans l'assistance. Le tout avec la contrainte de la formule duo qui n'occupe que quelques mètres carrés de cette scène totalement surdimensionnée dans leur cas de figure dont les deux larrons s'acquittent avec brio (à la batterie, ça mouille littéralement bien sa chemise et son gilet et pas qu'à cause de la moiteur ambiante). Bref, une prestation légère qui fait du bien par où elle passe.
On se déporte ensuite du côté de la Valley pour assister à Witchcraft. Là encore que je ne connaissais que de nom mais qui s'est révélée être une expérience aussi divertissante que fascinante. Le divertissement étant à chercher du côté du frontman, ne lâchant pas le public d'une semelle pour mieux le « dénigrer ». Non pas en l'insultant mais en envoyant son plus beau panel de grimaces qui n'a rien à envier à Cronos (Venom) ou encore Abbath (Immortal). Difficile de ne pas le prendre en dérision, aussi sérieux et premier degré semble-t-il être dans son cas de figure. On prendra malgré tout le répertoire beaucoup plus au sérieux : niveau hommage et revival de sons Black Sabbathiens, on se situe dans le haut du panier. Celui qui donne envie d'être pris pour être creusé d'autant plus chez soi, au calme, en pestant que les dernières productions de la référence étaient loin d'être aussi bonnes.
Pas besoin de se déporter trop loin, The Great Old Ones prenant la suite sous la Temple. Les Bordelais ont leurs adeptes et ne cessent d'agrandir son cercle au fil des albums. Preuve en est d'une fosse extrêmement bien garnie. Je l'avoue : je reconnais leur talent mais n'accroche malheureusement pas du tout à leur répertoire aux ambiances lovecraftiennes. Ce qui n'est pas faute d'aimer Lovecraft. J'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de constater que tout l'envoûtement atmosphérique n'a absolument aucune emprise sur ma personne. Et cette prestation, solide comme à son habitude, n'a pas fait exception. J'y suis malgré tout allée en connaissance de cause, soucieuse de ma tâche annexe de montrer un petit panel varié de styles et ambiances à ma comparse, The Great Old Ones, ayant quand même une identité plutôt unique en son genre. Et comme je le pressentais, elle y a trouvé son bonheur autant que le reste de l'assistance visiblement conquise.
Point de frustration donc devant cet objectif rempli, d'autant plus que le bonheur pour moi arrive. Opeth est sans conteste ma plus grosse attente de la journée... Et paradoxalement, celle que je craignais le plus. Non pas par peur que les Suédois se plantent ou je ne sais quoi. Juste que leur petit dernier, In Cauda Venenum, est ce genre d'album à connotation particulière pour moi. Déjà jugé comme sublime à sa sortie, j'ai fini au fil du temps à y graver une tranche de vie, la galette ayant énormément tournée à une douloureuse période de deuil. Un des rares accompagnements musicaux qui me permettaient de trouver un moment de quiétude psychologique entre deux tourmentes. Autant dire, le moment pouvait être délicat à gérer à titre émotionnel. D'autant plus qu'Opeth n'y va pas par quatre chemins en commençant d'emblée par le sujet qui fâche. Par chance, le cap émotionnel s'est très bien passé, quand bien même j'ai cru sentir perler quelques larmes non maîtrisées couler durant ce premier et seul titre issu de la dernière offrande. Mais comme on perdait tous quelques hectolitres de sueur à la minute, je doute que quiconque ait remarqué. En revanche, ma comparse semble avoir remarquer après m'avoir soufflé en cours de route un « putain, c'est magnifique ! » que durant toute cette heure de show qui aura passé aussi vite qu'un clignement d’œil que niveau frissons et poils de bras hérissés, ça y allait. Alors qu'il ne faisait pas moins de 40°C à l'ombre en cette fin d'après-midi bordel ! Pas besoin de bouger, pogoter ou quoi que ce soit, on se laisse magnétiser et emporter par tant de beauté sonore. Le tout en laissant scrupuleusement de côté les débats stériles sur la bonne teneur de leur virage stylistique en cours de route ou encore « c'était mieux avant ou pas ? ». Qu'importe que l'on soit amené vers le vieux répertoire (les classiques « Ghost Of Perdition » ou « Deliverance ») ou le plus récent (« The Devil's Orchard » ou encore « Sorceress » entre autres) qui se succèdent quasi-équitablement, cela fait mouche et cela titille les cordes les plus sensibles des conduits auditifs. Le tout livré avec une sobriété magistrale qui laisse admiratif : pas de chichis, ni même d'effets. Le combo joue son truc qui suinte le talent et la perfection à tout pores sans jamais donner l'impression qu'il y parvienne en s'enfonçant dans la douleur et les efforts. Au même titre que les interventions d'Akerfeldt, doté de bien plus de charisme et flegme typiquement british que n'importe quel gentleman anglais, dont on mange littéralement dans la main. Bref, insolent. Mais putain de magique !
On pourrait se dire qu'il est difficile de prendre la relève. Et pourtant, et c'est là que l'on se dit que le cerveau est rudement bien fait, il se passe comme un mécanisme psychologique d'auto-défense qui fait que l'on enferme Opeth dans une case d'expérience à part, afin de remettre les compteurs à zéro pour accueillir les autres comme il se doit. Je me sépare cette fois de ma padawan, prise d'une envie de déguster un peu de madeleine de Proust avec The Offsprings sur la scène voisine, afin de retourner sous la Temple afin de me prendre une nouvelle dose de Rotting Christ, une valeur plus que sûre sur les planches. Et je suis loin d'être la seule à avoir fait ce choix tant il y a du monde. Du monde qui boue bien – plus par impatience que la chaleur écrasante. Pour littéralement exploser tout au long d'un set hyper intense où j'ai commencé à perdre une petite partie de ma voix. « Apage Satana », arrête de me la voler comme ça à chaque concert, par pitié, ça devient pénible. Bien que les « King Of A Stellar War » et autres « In Yumen / Xibalba » ne sont pas en reste non plus. Car c'est ça qui est bien avec Rotting Christ : une carrière de tout son long solide et sans fausse note, on attribue autant d'intérêt sur les vieilleries poussiéreuses qu'hymnes s'étant imposés beaucoup plus récemment. Niveau scène, on est sur le même schéma : c'est carré, ça sait tenir un public pour lui faire vivre un truc intense (et pour le coup, lui a franchement bien rendu). Mention spéciale au bassiste, pourtant pas permanent, qui a visiblement tout donné.
Petit créneau de creux où je tombe sur un certain Sain Phonique, peu difficile à croiser tant ses habitudes de squat entre Temple et Altar sont bien ancrées. Fait amusant : quand bien même je me sois momentanément séparée de ma graine d'apprentie, il s'est avéré que lui également gérait sa petite touriste, encore toute émoustillée de la prestation précédente des Grecs. L'occasion est trop bonne de faire une petite pause, houblonnée maintenant que la soirée s'installant amène un brin de fraîcheur plus que bienvenue, en attendant Primordial. Tout en écoutant de loin Lords Of Flesh, remplaçant de dernière minute de Grave. S'il s'agissait d'un show « place to be », peu de monde semblait le savoir tant l'assistance était clairsemée pour accueillir ce tribute band reprenant de grandes gloires death d'antan. D'une oreille lointaine, de manière un brin planplan sans rien ajouter de plus... et surtout sans forcément se fatiguer à occuper l'intégralité du créneau alloué, le groupe quittant les planches une bonne quinzaine de minutes à l'avance.
Point de ce genre de problèmes à déplorer pour Primordial. L'assistance est de retour et point de retrait prématuré. En même temps, les Irlandais sont réputés pour être plus que solides sur les planches et n'ont clairement pas prouvé le contraire ce soir. Leader au charisme indiscutable qui sait tenir un public mangeant dans le creux de sa main. Et surtout une réponse de la foule au rendez-vous, aussi au taquet et décomplexée que Rotting Christ. Et ne parlons pas du volet musical, renforçant l'immersion et l'émotion en déroulant une setlist placée sous le signe du best of qui fait du bien par où il passe. Primordial est venu et a vaincu, quand bien même, dans un style équivalent, je lui ai préféré le set de Kampfar du lendemain, étant plus sensible aux ambiances musicales de ce dernier. Mais là n'est qu'une simple question de goût.
Autre petite pause apéro avant de retourner sous la Temple, le repas à la main afin d'assister à Abbath en mode dîner spectacle. Où l'on aborde la chose avec des sentiments assez contradictoires. D'un côté, on espère voir une autre plantade pour le divertissement, faute d'avoir pu assister à des débâcles passées comme la jolie chute au MetalDays et autres sombres conséquences éthyliques. De l'autre, par respect pour ce que pouvait représenter Immortal à son âge d'or, on souhaite que le frontman ait réglé ses vices afin de livrer une prestation correcte. Par chance, c'est le deuxième cas de figure qui se produit – car l'espoir penchait davantage de ce côté de la balance, nous ne sommes pas si méchants. Mieux encore, la prestation était même plus que correcte. Point de gag à se mettre sous la dent, hormis la surenchère de gimmicks exagérément dérisoires faisant toute la réputation du personnage, mais une très bonne accroche globale. Tant par ses titres solo – les albums sont plutôt pas mal pour tout nostalgique des vieux albums d'Immortal – que pour les quelques classiques de son combo qui l'a fait connaître. Bref, Abbath va mieux et cela fait assurément plaisir !
Après avoir souhaité bonne nuit au camarade Sain Phonique qui arrive au bout de sa running order du jour, il reste à la mienne encore une prestation à cocher. Alors que le planant Deftones fait son show du côté des Mainstages, je m'en vais investir la Valley pour une autre forme de trip, autrement plus plombant. A savoir Electric Wizard qui a su nous plomber la cage thoracique via des basses délicieusement écrasantes. Ajoutez à cela une purée de pois et autres diffusions vidéo typées vieux films psychés du même genre que ceux affectionnés par Rob Zombie, le flashy en moins les rendant délicieusement plus outrageuses et vous avez la porte d'entrée vous amenant dans une torpeur cérébrale hallucinée. D'autant plus, par chance pour moi qui les voit pour la première fois, que les Anglais – réputés pour le côté loterie de ce côté-là – étaient particulièrement en forme ce soir. Joli best of des familles qui nous est servi, autant dire que j'y ai amplement trouvé mon compte, mon cerveau étant littéralement entré en transe aussi inexplicable que fascinante qui m'a à peine fait remarquer que ma padawan m'a rejointe en cours de route, toute aussi captivée. Le tout, à l'instar de la simple écoute sur disque, sans usiter de chichon. Magique !
La dream team étant maintenant réunie, bien fatiguée et surtout encore groggy d'Electric Wizard, le dilemme d'aller voir Mayhem ou rentrer se coucher était de taille. On optera au final pour la solution d'entre-deux d'aller voir ce qu'il se passe sous la Temple qui est de toute manière juste à côté sans forcément s'y éterniser. Difficile de rentrer dedans au vu de la prestation encaissée précédemment et la fatigue pointant dangereusement le bout de son nez – mais ayant vu les Norvégiens en salle sur Rennes avant le covid, pas trop de quoi s'auto-flageller non plus – il valait mieux privilégier une fuite prématurée après quelques titres. Car la prestation ne méritait clairement pas que l'on s'en dégoûte pour de simples considérations d'humeur, tant le côté trois actes distincts fonctionne bien et que le public était au taquet malgré l'heure tardive. Bref, nous finissons par sortir, ivres de fatigue, la carcasse un brin endolorie car plus habituée à s'encaisser des journées aussi longues après 3 ans d'arrêt forcé de festival.
3 COMMENTAIRES
Crom-Cruach le 25/12/2022 à 18:38:34
KAMPFAAAAAAAAAAAR !
Aldorus Berthier le 05/09/2024 à 01:00:34
Tout ça pour que le poids de la frustration de cglaume ne plombe tout son optimisme dans un report entièrement dédié à Mr. Bungle sur le cru 2024 :/
cglaume le 05/09/2024 à 07:01:16
Meuh noooooooon
J’ai 35 tonnes de report joyeux qui tombent ce week-end !!
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