Toehider - XII in XII #12 - Warts and All - Live in Chicago

LE PROJET « 12 IN 12 », MILLÉSIME 2023 / 2024

Explications préalables : entre mai 2009 et avril 2010, sa muse ayant alors manifestement besoin de coups de pied au train pour avancer, Mike Mills – Mr Toehider – s’est lancé dans un projet fou… Celui de livrer 12 EPs en 12 mois. Parce que certains sont comme ça : ils ont besoin de se fixer des objectifs inatteignables pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Résultat des courses : pari réussi ! Et de brillante façon qui plus est (vérifiez donc ici et là) ! Et comme ce genre d’expérience est de celles dont on ressort en se disant « Plus jamais ça ! », Mike n’a pas pu s’empêcher : il a fallu qu’il recommence ! Dès le 23 février 2023 pour ceux qui suivent le groupe sur Patreon. Et à partir de début août pour les autres.

MOIS 12 : TOE-HEADLINER

Je sais ce que vous vous dites : « Après un EP de reprises, on nous refile du live : il a laissé sa muse au garage pour une révision longue durée ou quoi, le Mike Mills ? Ça y est, il est passé de l’angoisse de la page blanche à la terreur des neiges éternelles de l’inspiration ? ». Vous êtes durs, si si, de vraies peaux de vaches. Il se trouve qu’il avait des idées pour ce douzième tome, là, dans son carnet, et ici, sur ce disque dur. Mais il les garde finalement pour son prochain album. Parce que figurez-vous que malgré les semi-remorques entiers d’albums, d’EP et autres friandises qu’il nous a généreusement livrés, à intervalles réguliers, depuis le début de sa carrière, jamais Toehider n’avait mis en boîte le moindre live. Jamais. Never. Chưa bao giờ, comme on dit dans le delta du Mekong.

Or le groupe a passé le début du mois de mai en Europe, puis deux petites semaines aux Z’têtz des USA d’Amérique, le tout en première partie de Closure in Moscow. Et il se trouve que sur la fin de la tournée, le batteur de ces derniers a demandé à Mike : « Dis mon Mickey, t’aurais de quoi enregistrer ta prestation côté chant, guitare et tout le toutim ? Parce que moi, pour la batterie, j’ai ce qu’il faut… ». Vous pensez bien : voilà notre Mickounet tout fiévreux, saisissant l’opportunité à bras le corps. L’avant-dernière date à Chicago est dès lors choisie pour mettre l’affaire dans le sac (… d’ailleurs, heureusement qu’il n’a pas attendu celle de Brooklyn, ce point final ayant dû être annulé pour cause de tour bus capricieux), et BAM : Warts and All. Qui, au passage, signifie « Avec toutes ses imperfections », pour bien rappeler qu’il ne s’agit pas d’une entreprise calculée de longue haleine, avec moult techniciens, du matériel hautement sophistiqué, et des choristes triées sur le volet. C’est d’ailleurs du fait de ce côté « à l’arrache » que, plutôt que de sortir le 12^e EP initialement prévu, et faire de l’enregistrement en question un album live à part entière, ce dernier se voit proposé en tant que 12^e roue du carrosse, histoire que des fans aux attentes himalayennes ne viennent pas pleurnicher dans les jupes du SAV à grands renforts de t’aurais-pu-t'appliquer-un-peu-plus-dis-l’ami…  

En même temps il faudrait être une sacrée tête de Cro-Magnon pour ronchonner en écoutant ces dix titres. Parce que – pour commencer – un EP qui dure 51 minutes, ça n’est pas ce que j’appelle du foutage de trogne ! Nulle raison, ici, de hurler au déficit de la balance musicalo-commerciale. Par ailleurs, l’enregistrement en question s’avère particulièrement bon. Alors c’est vrai, Mike a été honnête sur ce point : oui, il a procédé à quelques petits overdubs et coups de pinceaux. La liste complète des subterfuges techniques peut d’ailleurs être consultée sur la page Facebook du groupe. Mais 1) c’est également souvent le cas sur les gros live officiels 2) le résultat est particulièrement bon, et à aucun moment ne sonne bidonné : c’est simple, on se croirait dans la fosse !

Y a-t-il de réelles raisons de râler, donc, en écoutant Warts and All ? Allez, histoire de dire : Mike abuse un peu trop du « The next song is taken from XXX and is called YYY ». Pas hyper bavard, ni original, donc, le Monsieur. M’enfin bon, aurait-il fait des blagounettes que, bandes de vils réfractaires à l’English que vous êtes, vous ne les auriez pas comprises. Alors hein, poupougne… En dehors de cela, rien à dire, il nous est ici offert un beau petit panaché du savoir faire du Monsieur, avec de jolis extraits des trois « vrais » derniers albums (pour I Have Little To No Memory of These Memories, cela aurait été compliqué), dont les tubes « Go Full Bore ! », « Smash it Out ! », « You and I Both Lose » et « Whatever Makes You Feel Superior » – sur lequel Mike se démène afin de compenser de son énergie les vides laissés par le passage du multi-pistes propre au studio à la « simplicité » du live. On notera aussi de jolies prises de risque, comme ce trop rare « On and On », extrait de Mainly Songs About Robots, ainsi que l’inclusion de deux morceaux extraits du projet XII in XII nouvelle mouture. Le premier, auquel on n’aurait pas forcément pensé naturellement, s’avère effectivement taillé pour l’exercice : « Animal In Your Eyes », extrait de Snapshots From Beacontown Spring Dance '85, prend en effet l’auditeur par la main, afin de l’emmener sur une route amicale et riche en rebondissements. Le second, beaucoup plus récent, a clairement été conçu pour en mettre plein les mirettes : extrait de l’EP du même nom, « Space Famous » est l'occasion d'un dernier tour de piste effectué au galop, à cheval sur un vaisseau spatial de cartoon (avec deux O !), le rire en guise de panache blanc, direction de nouvelles aventures et au-delà...

Fin du marathon, donc. Et pour la deuxième fois, bravo agent Mike : vous avez brillamment accompli votre mission ! Ne reste plus à présent qu’à prendre notre mal en patience, dans l’attente de ces compos qui auraient dû normalement achever ce périple, mais qui ont temporairement été mises de côté afin d'être incorporées au menu du prochain festin toehiderien…

La chronique, version courte : c’est un concert de 50 belles minutes qui clôt la saison 2 du projet XII in XII. Une conclusion inattendue, mais généreuse et enthousiasmante, qui s’explique par l’occasion inespérée qui a été laissée à Mike Mills d’enregistrer à la dernière minute l’ultime concert donné à Chicago, lors de la tournée américaine en première partie de Closure in Moscow. C’est donc sur l’oxymore d’« une petite mort live » que Toehider nous quitte… Avec, en bonus, la promesse d’un nouvel album sur lequel figureront les morceaux initialement prévus pour le 12^e et dernier EP de cette folle aventure.   

Cglaume

le 27/09/2024