Melvins - Hold It In

Chronique CD album (54:78)

chronique Melvins - Hold It In

CANADA BUZZ HAS A WAY OF SEEING THROUGH MY EYES

Pour une vraie-fausse discographie des MELVINS - Chapitre 57 -

Pour comprendre le pourquoi de ces chroniques gibbeuses gourmandines, se référer à l'introduction du chapitre 1...

 

Un voile d'irréalité m'enveloppe. Même la musique cubaine que j'écoute ensuite me paraît venir de l'envers du décor de la réalité, de loin, de très loin, d'une autre planète, d'une autre dimension.

C'est que je viens une nouvelle fois d'observer fixement Hold It In au fond des yeux. (Bon... et aussi que la musique cubaine et moi, ça fait deux choses très espacées quoiqu'il en soit)

Et ce disque est très étrange.

Le son, déjà, tisse des toiles à cristaux de glace – parfait pour la saison à venir, il faudra y penser, à écouter Hold It In sous la couette – comme l'aaartwörk du livret peut le laisser rêver. Le son est comme étouffé, mais avec des aigus, allez comprendre. Des résonances de l'au-delà et de la réverbération paranormale hantent les plages en galets de glace, la mer lèche les murs du drive-in abandonné, des sonorités in-identifiées se paient des pings-pongs de delay à frigo.

Toshi a bien bossé, une fois encore. Mais il n'est pas le seul à créer ces ambiances : le groupe lui-même en premier lieu.

 

Il y a quelque temps, Buzz et Dale se sont séparés temporairement de leurs faux-frères de Big Business à la deuxième batterie et à la basse, pour cette fois récupérer deux trublions dégénérés des Butthole Surfers. Encore une collaboration ! Après Merzbow, Jello Biafra, Lustmord, Trevor Dunn pour le Melvins Lite Orchestra et j'en passe (notamment des disques voués entièrement aux collaborations multiples comme « The Crybaby » et dans une moindre mesure « Everybody Loves Sausages »), les voilà à se coltiner deux frappaoufs, leurs héros Pinkus (basse, chant, delays) et Leary (guitare, chant, gouzy-gouzy vocoder, delays). Ce qui est une sorte de suite logique puisque, précédemment, Pinkus avait remplacé le fraîchement papa Jared Warren pour une tournée.

 

Je ne suis pas un spécialiste des Butthole Surfers, mais je connais assez de choses pour savoir qu'ils étaient capables du meilleur dans le pire et du pire tout court. De sacrés blagueurs, même s'ils naviguaient aussi du côté de chez glauquasse... et de la mise en musique du LSD.

Ils dynamitaient le Rock classique redneck et payaient des barres hallucinogènes à qui voulait venir à leurs concerts ou écouter leurs disques.

 

J'aime Pinkus. Il joue désormais dans le groupe Honky, qui est aussi le titre d'un de mes albums préférés des Melvins, en même tant qu'une expression très raciste. Ouh les vilains. Il a une façon de jouer de la basse très particulière, vrombissante, vvvVVVVRRRROUM !, et s'amuse avec les pédales d'effets. Il a aussi une grosse voix de vieux biker.

 

Leary a lui un jeu de gratte très cool aussi, bien désaxé dans le nimp' et le à côté de la plaque exprès.

Mais cet espèce d'enfoiré ruine une partie de mon plaisir en ayant le culot de foutre un plein morceau merdique sur une plaque des Melvins. « You Can Make Me Wait » est atroce. Atroce. Et c'est le deuxième morceau, à l'avenir, je le zapperai systématiquement.

Pourquoi tant de haine, me demanderez-vous ? Parce qu'il y a une voix qui dégouline de vocoder du début jusqu'à la fin. Non seulement ce procédé a un rendu sonore horrible et catastrophique à chaque fois qu'il est utilisé, je dis bien à chaque fois, même dans Battles, je lui préfèrerais même l'emploi de l'auto-tune qui comporte des possibilités comiques, lui, au moins, mais en plus il habille une mélodie, un rythme et une harmonie – la chanson entière – pas loin d'être aussi catastrophiques et horribles.

Ça ne sonne absolument pas comme du Melvins, comme du Butthole Surfers non plus (bien qu'ils se soient rendus coupables de quelques horreurs, je crois me souvenir...) et ça sonne surtout comme de la merde.

De la soupe infâme digne de figurer dans les pires moments radiophoniques de, au hasard, Couleur 3. Crise de nerfs ! Et si je suis si méchant c'est qu'y'en a marre. Y'en a marre de la soupe. J'en peux plus qu'on nous fasse passer pour de la musique des chiures d'oiseaux obèses suffisants et dégoulinants d'une ironie cache-misère. De la raclure de bidet funnyquement arty, tu voaaas ? De la Dance du pauvre cachée dans une parodie de Rock dépossédé de sa verve, de sa hargne et de son pète au casque, de sa débilité sauvage et premier degré qui sauve, qui désaltère, qui rassérène, qui tempête et surtout qui t'emmerde.

Avec toutes ces couilles-molles qui prétendent avoir sorti « un album rock, tu vois, avec des guitares ».

Bref, je pourrais continuer pendant des heures. J'aurais certainement pu mieux l'exprimer, aussi, mais la colère m'aveugle.

Brefencore. Je ne veux pas trouver ce genre de truc-là dans un disque des Melvins, le groupe qui ne cède pas à la facilité, qui est en guerre permanente contre la vulgarité musicale...

On dirait qu'ils ont laissé faire Leary, embrouillés par la joie de jouer avec un de leurs héros. Jusqu'à en oublier leur sens critique si carnassier...

 

Mais il ne faudrait pas donner trop d'importance à cette idiotie, ça n'en vaut pas la peine, car ce disque, très étrange, oui, dans tous les sens, recèle des instants de pure folie et des beautés extra-ordinaires.

« Barcelonian Horseshoe Pit », pure et étincelante mouvance psychédélique sans objet succède à une vraie pépite Pop (si ça a un sens dans le contexte) branque comme les Melvins savent nous concocter de temps en temps ; c'est de « Brass Cupcake » que je parle, avec de l'invention dedans et du délire aussi (cette voix hystérique qui surgit sans prévenir... un délice!).

« The Bunk Up » est peut-être le meilleur morceau du disque, en tous cas, sa composition savamment bancale et ses successions de parties-surprises sont un appel au pardon (« You Can Make Me Wait » ??? Non, toujours pas pardonné.)... Avec ce passage, juste après les deux minutes, quand les guitares de Leary, passées à l'envers, sont suivies d'arrangements de mellotron kurde ou je ne sais quel biniou, quelle lumière ! Quelle candeur naïve ! Et plaf !, ça dérape juste après dans le bien dies irae-tique (ça me rappelle « I Told You I Was Crazy », tiens, de Tres Cabrones...). Vicieux ! Osé ! Infernal ! Satan, mes potes, Satan !

 

Il y a aussi des titres Rock'N'Roll (fifties-fifties !, carrément!), dotés d'un mixage étrange qui en fait tout le sel et l'eau vive, sorte de Psychobilly mutant qui doit certainement beaucoup aux deux surfeurs du trou du cul. Leary, me branche pas, j'te dis, j'suis pas calmé. Heureusement que t'as ramené Pinkus avec toi. Pinkus le motherfucker ! La basse qui vvVVVVRRROOOOOMBIT(e) !

 

Et, grand bonheur, le disque part vraiment dans tous les sens : ça fait tellement du bien d'être débile, hein ? Mais si « House Of Gasoline » est une aberration musicale qui fait plaisir à entendre, elle comprend malheureusement vers son milieu un léger passage à vide... avant que John Carpenter ne se pointe pour grimacer avec sobriété sa musique horrifique en plein milieu du bousin ! Merci John, je savais pas que tu jouais aussi avec les Melvins ! Allez, sur le prochain disque !, avec John Waters au chapeau et pour la pochette : Laurence D'Arabie qui monte un dino en legos ! Vas-y Mackie, go, go, go !

 

Ai-je mentionné que le premier titre est une collection de baffes incarnée ? De la mégatonne à déplacement latéral dans ta face ! Dans le genre pur Melvins hargneux, « Sesame Street Meat » est pas loin derrière. Toutefois, les riffs de gratte ne sont pas très nouveaux, Buzzo nous ressort des trucs déjà entendus, et c'est aussi le cas de quelques lignes de voix ici et là. Pas très grave, mais c'est un peu sa tendance ces dernières années. Un goût de déjà entendu et de recyclage. C'est pas vraiment de l'arnaque pour autant car les compos et les arrangements apportent toujours quelque chose d'anormal, heureusement.

 

Et ainsi va « Onions Make The Milk Taste Bad » (Ah bon?!? Les oignons, c'est la vie, pourtant ! « Plante un oignon et ta vie sera remplie », comme disait le célèbre Henry Prouboigt – ou plus communément surnommé « ...did not match any documents »). Prenons le riff de fin, qui tournicote : acceptons-le comme un genre de cocotte funky à la sauce Osborne. Le son est très bizarre et tout s'arrête sans prévenir, de façon encore plus nawak.

Abscons et surréaliste.

 

Surréaliste, ce disque, peut-être plus encore que psychédélique, finalement. Comme ce gigantesque panoramique de l'intérieur d'un diner de bord de route, qui prend tout l'envers du livret (cinq volets, quand-même...) : oui, le lien entre la photo et la musique fait sens, pour une fois ! C'est pas Mr. « Piss Pisstopherson » qui va me contredire : le solo tout raide de Leary tape juste (cette fois je te félicite mon bon Paul) et on assiste tout du long au cycle sans fin (c'est à balancer le disque en mode repeat, tout ça, pour encore mieux se perdre!) d'un jukebox démoniaque de no man's land, espace-temps parallélépipède. C'est peut-être comme ça qu'il faut prendre « You Can Make Me Wait ». Comme si les Melvins avaient voulu sur ce titre s'approprier la mauvaise Pop commerciale, pour l'intégrer à sa playlist de l'enfer.

Prends des champ', et tu y es. Fais gaffe, peut-être tu y resteras perché. Chat dopé !

 

En fin de compte, si ce disque a des défauts et n'est pas le nouvel album des Melvins parfait, il en devient cependant encore plus attachant. Déroutant, irritant, roboratif, excessif, sans doute.

Mais il y a toujours quelque chose de génial, quelque part. Vraiment génial.

Satan est dans le génie, mec. Flippe, flippe ! Le jukebox fantôme tourne sans personne pour refoutre des coins dans la fente et le volume ne fait que croître, et croître encore, il gonfle, il va éclater!, les vitres froides tremblent sur la nuit dehors et la brume se lève. Il te reste une seule balle et elle est inutile, car tu as déjà un trou dans le crâne par lequel s'échappe une fumée pourpre.

Il te reste tant à subir: c'est sans fin.

 

Chapitre 57 clôt, à plus tard pour de nouvelles aventures terrifiantes.

photo de El Gep
le 24/11/2014

6 COMMENTAIRES

el gep

el gep le 26/11/2014 à 21:04:49

Je me fourvoie dans l'auto-comment, mais je plussoie: cet album TUE (hormis le deuxième morceau, que je me plais pourtant à ne plus zapper, dans un élan masochiste, réussissant presque à y trouver un intérêt; ce qui touche à la démence).

pidji

pidji le 26/11/2014 à 21:11:20

oui il est bon, j'avoue !

José

José le 15/03/2015 à 13:08:46

J'ai eu une réaction similaire avec le deuxième morceau "Qu'est-ce que c'est que cette merde."
Et au final, la débilité pop-punk du morceau, son solo mielleux, et sa place dans l'album amplifie son effet comique.
Par contre je suis carrément d'accord pour "The Bunk Up" et ses relents de prog à lunette sur le premier riff, super morceau. Cela dit, de la VRAIE nouveauté chez les Melvins, ça ferait pas de mal (notamment dans la prod, parce les derniers albums au son tout médium carton, ça fait regretter le mix incroyable de Senile Animal).

el gep

el gep le 23/03/2015 à 13:28:31

Eh salut José, te revoilà!
Ah bah le son je le trouve pas mal, moi... Il est bizarre, certes, mais pas mal. La gratte est parfois très medium, c'est vrai, un côté "canard" qui la rend arrogante et énervante... je pense que c'est voulu!
Après de la nouveauté, il y en a toujours, mais on ne peut pas leur demander de révolutionner leur monde à chaque album non plus. Les Melvins font du Melvins. Et ça tire quand-même de tous côtés, éh-hé!

José

José le 03/12/2015 à 02:15:09

Hello,
Bon je te réponds presque un an plus tard.
En fait sur le mix je suis un peu revenu sur mon idée. Disons que j'étais plutôt fan du son de "Hostile Ambiant Takeover" par exemple et que depuis "Freak Puke", ils ont opté pour cette prod très médium sans être vraiment grasse. Enfin ce son est vraiment bizarre, et même s'il a son charme, je trouve ça réellement fatigant à l'écoute. Et couplé avec la redondance des riffs sur les trois derniers albums, je me demande si c'est pas volontaire de leur part de créer cet effet de lassitude lancinante bizarroïde qui me fait perdre le fil de "Hold It In".
Donc en fait j'ai pas vraiment changé d'avis.

De toute façon, je me demande si on peut être conquis par un album des Melvins. Si j'avais eu l'age d'entendre "Stag" à sa sortie, j'aurais certainement gueulé contre son côté décousu et aléatoire (bon, j'aurais aussi certainement été très con). Le contre-exemple serait "A Senile Animal", le premier album des Melvins que j'ai entendu à sa sortie (grâce à une compil Rock&Folk ?!) alors que je n'avais jamais entendu parler de ce fichu groupe avant, et que j'ai adoré immédiatement et intégralement.

Mais ce qu'il me manque réellement dans les derniers albums c'est cette forme de haine pure qui se trouve dans tous leurs albums, sous n'importe quelle forme. De "Laughing with Lucifer" à "The Bit" en passant par "AMAZON", "Tipping the Lion", "Let It All Be" ou "Rat Faced", y avait toujours ce truc viscéral quand je ne ressens pas forcément (à quelques exceptions près). Puis sur cet album j'ai vraiment du mal avec l'apport des Butthole Surfers, alors que "Tres Cabrones" a pris plus d'ampleur à force d'écoutes. J'ai peur qu'ils se ramollissent ! (Ce qui n'est absolument pas vrai pour leurs live, en témoigne les dernières fois où j'ai pu les voir, ainsi que leur "Live at Third Man" que je trouve monstrueux).
Mais bon, je suis plutôt sévère, au final j'ai vachement aimé "Freak Puke", avec un "Tommy Goes Berserk" d'une esthétique assez particulière que je ne pense pas avoir déjà entendu chez les Melvins.

Ce pavé merdique me servira au final à dire que ce qui fait tout le charme et le génie de ce groupe à mes yeux c'est clairement leur côté insaisissable, leur cohérence dans le bizarre (essayons de trouver deux personnes ayant la même perception de leur œuvre) et qu'après tout, dans 3 ou 4 ans, je serai fan de cet album comme des autres !
Mais j'ai une intuition selon laquelle leur prochain album sera excellent, sans savoir pourquoi.

Bon voilà, je la boucle maintenant.

el gep

el gep le 06/12/2015 à 21:26:21

Ha la HAINE dans les Melvins...
On est bien d'accord!
Avec les copains, on parle de "cruauté", aussi.
Mais ils avaient ce truc un peu flippant, oui... Beaucoup moins maintenant...
En live, Buzz a toujours l'air aussi peu sympathique... alors qu'il semble l'être carrément dans la vraie vie... Quelqu'un de très gentil, c'est ce qui se dit. Mouah! Le mythe!
Humpf, Gala, Voici, VSD, voilà, voilà!

"Hold it In" n'est toujours pas le nouvel album génial des Meuh (le dernier, c'était "Nude With boots", selon moi...) mais il est charmant dans son côté drogué. Et puis... "Onions...", bordel, quel drôel de truc!!! Et "The Bunk Up"!!! Les morceaux composés par les Buttholes me saoulent plus vite que les autres, moi aussi.

Ah et j'aime de plus en plus "Freak Puke" alors que j'étais bof au départ.
Amusant, ce groupe, décidément...
Salut à toi!

AJOUTER UN COMMENTAIRE

anonyme


évènements

  • Seisach' metal night #5 et les 20 ans de COREandCO !
  • Bongzilla + Tortuga + Godsleep à Paris, Glazart le 14 mai 2024
  • Devil's DAY #2 à Barsac (33) les 18 et 19 mai 2024
  • Seisach' metal night #5 et les 20 ans de COREandCO !

HASARDandCO

Bloom - In Passing
Toxik - Dis Morta