Melvins - Tres Cabrones

Chronique CD album (44:34)

chronique Melvins - Tres Cabrones

CANADA BUZZ HAS A WAY TO SEE THROUGH MY EYES

Pour une vraie-fausse discographie des MELVINS - Chapitre 55 -

Pour comprendre le pourquoi de cette fantaisie fantasque, se référer à l'introduction du chapitre 1...

 

Et allez, mange-toi encore un nouveau disque des Melvins, après un long format de reprises plus tôt cette année et des supports courts limités tous les mois ou presque. C'est la formation 1983 qui est de sortie cette fois avec, récapitulons : Buzzo comme toujours au chant et à la gratte, Dale Crover qui passe du poste de batteur génial à bassiste consciencieux et leur ancien batteur – de 1983, le tout premier avant même Crover – Mike Dillard.

Que des nouveaux morceaux, claironnait Buzz. Oui c'est sûr, ile ne jouent pas leur répertoire de l'époque (du Punk grognon pas mal mais sans plus). Heureusement. Mais les morceaux rassemblés sont aux trois quarts déjà sortis ici et ou encore ailleurs sur des compils. Pas de problème, ça permet de les avoir tous réunis sur un support physique disponible (les 7'' étant aussi limités qu'onéreux) et surtout... d'écouter un bon album des Melvins.

 

Car, allons tout de suite aux choses non précédemment chroniquées, les vrais inédits sont excellents. Et là je parlerai de mon chouchou, le bien nommé "I Told You I Was Crazy".

Une surprise totale. Un Blues mélodramatique entre Tom Waits et Portishead sous acide, dans une mémorable première partie électrocramée, complètement inattendue, et une deuxième plus lourde qui sort les guitares meuglantes. Un plan de six cordes en second plan sonne d'ailleurs comme un chien qui pleurerait à la lune, étendu auprès du cadavre de son maître. C'est aussi une complainte de bacchanale tragique, bourrée de mauvais présages.

Complètement psychédélique, les voix sous distorsion, la tête entre les mains, les yeux fous grands ouverts, pupilles écartelées, hurlements et psalmodies ; tendu jusqu'à la fin en blips-blops sériels absurdes. GAME OVER.

Peut-être le meilleur titre du disque. Et c'est certainement la première fois qu'ils nous sortent un morceau de ce type, qui ne ressemble en rien à ce qu'ils ont pu faire par le passé – dans sa première partie en tous cas.

Tiens, le sitar de "The Bit" a été dépoussiéré ! Drrrroing !

L'autre grosse pièce démontée sera "Dogs And Cattle Prods", en trois mouvements. Glam branque d'abord, carrément Stoner-Rock ensuite (un riff me paraît un peu bateau, trop jam 70's peut-être, mais du coup... il en ressort une saveur inhabituelle, allez comprendre) ; voire Desert-Rock dans son dernier tiers enjolivé d'une acoustique. Ouais ! Pas souvent qu'ils sortent la râpe à bois, les Melvins (une seule fois dans The Bootlicker, et c'est tout je crois bien). Grande glissade d'un certain kitsch (T-Rex, Bowie, Alice Cooper et je ne sais quoi qui se mireraient les uns les autres dans une galerie de miroirs déformants) vers un psychédélisme sans âge un peu détaché de tout.

Pas mon morceau préféré, mais il irradie une fraîcheur admirable. Moderne, finalement, merde. Ou serait-ce post-moderne, plutôt ? Hmmmm, intéressante et essentielle question, mais reste-t-il des petits fours ? Il fait chaud, y'a de sacrées bonasses dans ce vernissage et j'ai plus rien dans mon frigo depuis deux semaines. Salut toi, hé, c'est des vrais, tes cheveux ? Ah bon, tu trouves MON look complètement décalé ? Ouah on m'avait jamais dit ça au secours catholique ou au point accueil solidarité. Tu fais quoi entre 22h30 et 22h39 ?

 

Joie de la découverte, donc.

 

Sinon, pas de double batterie ici, donc, et pas de plans rythmiques ultra baisés de la mesure. Ou assez peu, Crover n'ayant pu résister à enregistrer quelques plans de caisse.

Mais Mike Dillard, lui, tape avec droiture sans fioritures, alors les voix et les grattes peuvent prendre le relais du délire, tirer la nappe en envoyant valdinguer les plats. Orgie d'effets, overdubs de nausées, voix outrées, fantaisistes, hargneuses, folles. Buzz s'est clairement fait très plaisir ici, et le plaisir est partagé.

Ainsi, le premier morceau, "Dr. Mule", précédemment sorti sur une compilation Scioniste, plonge le profane dans un nouveau monde où Jello Biafra prendrait du PCP, Uzi à la main, et où le Hardcore d'antan, les Sparks et le Hard-Rock de stade (les chœurs conquérants vers 2:00) marcheraient main dans la main en territoire forcément hostile. C'est juste du, du... Du Glamcore, bordel ! Je savais bien que cette étiquette allait servir un jour.

Du Glamcore et un solo de stylophone !

Les claps qui se décalent à la fin sont une idée tout bonnement stupide. Les gars, vous êtes vraiment très malades.

 

Très malade aussi, le son de gratte dans "City Dump", tellement gras qu'il vomit de gargouillis médium-bas immondes. Délicieux.

Voix moqueuse et colérique à la Houdini, solos catastrophés aux bends douloureux, ce titre est du gâteau pour les Metalheads vintage. Bonne mère ! Satan est dans ce gâteau.

Le groupe continuera son exploitation de l'anxiété musicale à travers "American Cow", comme perpétuellement scandalisé par la stupidité générale du monde moderne.

 

Et la connerie, ils connaissent. "Tie My Pecker To A Tree" est pas loin du fou-rire (Crover a avoué : ils avaient dû refaire des prises pour cause d'hilarité générale) et "99 Bottles Of Beer", avec son break free-jazz, joue au plus con avec le gaiement militariste "In the Army Now".

Trois petits titres plus forts que de bêtes interludes, trois petits titres pour trois barres de rire mais pas seulement : c'est bon, c'est bien, ça aère entre deux psychoses, ce qui ne veut pas dire qu'ils resplendissent de santé mentale.

 

Car comme son travail photographique pouvait le laisser supposer, ce disque est complètement chèvre, même s'il se termine de façon un peu plus classique pour les éventuels Punk-Rockers d'âge bien bien mûr - "Walter's Lips", "Stick 'em Up Bitch".

Des mid-tempi accrocheurs et sournois – le toujours excellent "Psychodelic Haze" qui se voit orné d'une nouvelle fin encore plus brumeuse – pour te prendre par derrière, des grands-huit magiques inédits, des bonnes blagues finalement très musicales et une créativité au meilleur de sa forme. Et même si certains riffs font un peu deja-vooo, c'est l'ensemble qui compte – say la viye : les arrangements, les compositions. Il y a toujours quelque chose d'intéressant qui se trame, dans un coin sombre ou en plein dans ta tronche.

 

En bref, après un Freak Puke autistique, il fait bon ressentir à nouveau les Melvins nous communiquer toute leur exubérance, leur enthousiasme et leur vivacité artistique

Excellent disque de Post-Punk, écoutable en intégralité là-bas.

 

 

_ Il a dit quoi, là ?

_ Post-punk, il l'a dit !

_ T'es sûr ?

_ Certain ! Je l'ai entendu comme je te vois, toi.

_ Impossible... Mais comment ?

_ Ça serait cool finalement ?!?

_ ...avec les BONNES influences ?

_ Noooon. Non, les Melvins, quand-même, Post-Punk...

_ Euh c'est après 77, c'est sûr...

_ Cela voudrait-il dire qu'ils ont digéré toute l'influence Gang Of Four et Cie, intégré une certaine esthétique over-eighties pour faire part d'un grand revival global ?

_ Peut-être bien... Quelque part, les Melvins ont tout digéré du Punk et des musiques bruyantes. En quelque sorte, il s'agirait d'un catalyseur Post-Punk qui augurerait un nouveau genre de Proto-Rock total !

_ Aaaah, oui, oui... Ça doit être ça ! Faudra peut-être que j'écoute un titre ou deux alors... Vas-y, on le ressort à la prochaine soirée chez Tiphaine.

_ On va grave représenter ! On va tous les atomiser !

_ Post-Punk, il l'a dit !

 

Et la petite chèvre répondit en chevrotant comme une petite chèvre : « un, deux, trois, quatre, cinq, six... Mange tes morts en saucisses. »

photo de El Gep
le 07/01/2014

13 COMMENTAIRES

pidji

pidji le 07/01/2014 à 09:31:59

Je n'écoute pas tout ce que font les Melvins, mais celui-ci, j'avoue l'avoir bien apprécié !

cglaume

cglaume le 07/01/2014 à 12:21:36

Entre 22h30 et 22h39, 'y a moyen d'en enfiler des petits fours ! :)) En tout cas "Tres Cabrones" m'a l'air d'être le bon moment pour découvrir la planète Melvins. Allez, écoutons "City Dump" pour voir...

cglaume

cglaume le 07/01/2014 à 12:23:32

... C'est marrant, c'est exactement la musique que je t'imaginais écouter: noisy, foutraque, mal peignée, le futal sur les chevilles et la bouteille de gin aux 3/4 vide... :)

el gep

el gep le 07/01/2014 à 13:18:53

Ahahah, Glaume, je ne sais comment prendre ta remarque! Après, juste un extrait, c'est forcément réducteur, ce disque (et le groupe en général) part dans tous les sens. Et ça fait du bien!

cglaume

cglaume le 07/01/2014 à 14:57:30

Tu dois la prendre là où c'est le plus agréable... :))))

Geoffrey Fatbastard

Geoffrey Fatbastard le 07/01/2014 à 15:18:42

existe t il un diplôme de doctorat en melvinologie osbornophile?

Crom-Cruach

Crom-Cruach le 07/01/2014 à 17:37:55

Le kro donne envie car... j'aime les chèvres.

José

José le 08/01/2014 à 18:35:04

Eh bien, je suis avec avidité toutes tes chroniques, étant moi-même un melviniste convaincu.
Très bonne chronique comme d'habitude. Tiens d'ailleurs dans mes préférées y a celle de "Bootlicker", très bonne évocation de l'atmosphère à la kétamine qui sort de cet album "opiacé".
Cependant, pas d'American Cow dans ta chronique ? Une de mes préférées sur l'album, du Melvins classique, mais y a un truc particulier je trouve une lourdeur particulière. Mais en effet, le morceau de cet album reste "I told you I was crazy", complètement unique.
En tout cas après un "Freak Puke" moins convaincant, ça fait plaisir de les retrouver en forme, ou plus cramés encore. Enfin c'est mieux dans tous les cas.

Y aurait pas un petit lien entre "Matt-Alec" et "Psychodelic Haze" quand même ?

el gep

el gep le 09/01/2014 à 00:00:36

Bah merci mec. Ça fait plaisir que tu suives. Pas vu spécialement de lien entre "Matt-Alec" (ouhlah j'l'avais oublié çui-là!) et l'autre, à part bien-sûr le petit côté Black Flag... peut-être?
C'est pas toi qui m'avait envoyé un mail, d'ailleurs?
C'est vrai que je parle pas de la vache ricaine, mais tu viens le faire, éhéh, c'est la magie des commentaires.

José

José le 15/02/2014 à 14:00:58

Je viens de voir ta réponse. Et non ce n'est pas moi qui t'envoies des mails.
Je traine ici aujourd'hui parce que je viens de découvrir un split des Melvins avec Steel Pole Bath Tub. Ils y exécutent une belle reprise des Mudhoney, "Sweet Young Thing Ain't Sweet No More", des fois que tu ne l'ais jamais entendue.
J'aime bien ces mecs, on découvre toujours de nouveaux trucs, si bien qu'à force j'ai l'impression qu'en musique, il y a d'un coté la discographie des Melvins, et de l'autre le reste.

el gep

el gep le 16/02/2014 à 00:15:17

Ah si je la connais celle-la, elle est plutôt cool effectivement. Peut-être plus tard dans une mini-chro...
Bon après tout n'est pas forcément génial dans leurs sorties inépuisables mais épuisantes, mais ils ont le mérite de n'avoir jamais, jamais lâché le morceau et de faire exactement ce qu'ils ont envie de faire au moment où ça leur toque.
On devrait tous fonctionner comme ça en musique. La liberté, en un mot. Et beaucoup de travail, faut pas l'oublier.

el gep

el gep le 16/02/2014 à 00:16:49

Ah pis je sais pas si t'as vu mais le Buzzo part en tournée... solo et acoustique (marrant, je parlais de la rareté de la râpe en bois et à trou ici...) prochainement.

José

José le 19/02/2014 à 17:21:11

Ah tiens donc, je pensais que c'était que pour un concert. A voir s'il tourne aussi en Europe.
Après la tournée "réunion 1983", la carrière solo acoustique... Les prochaines étapes, ça doit être la tournée avec un orchestre et le feat. avec un rappeur ?!

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