Melvins - Tarantula Heart

Chronique CD album (39:48)

chronique Melvins - Tarantula Heart

CANADA BUZZ HAS A WAY OF SEEING THROUGH MY EYES

Pour une vraie-fausse discographie des MELVINS - Chapitre 68 -

A l'origine, il y eut un rêve absurde et idiot comme le sont tous les rêves, et non pas une digression pénible et perpétuelle autour de l'ombre du nombril du Créateur-Chroniqueur portée sur le mur de la Caverne – attention c'est peut-être de vous dont il s'agit – du coup vaut mieux p't'être se référer à l'introduction du bien peu obséquieux chapitre 1 pour vous en rassurer...


 

Liberté.

Quand on en vient à évoquer l'engagement (ouais, en caractères gras) des ââârtistes, je suis souvent agacé. Surtout quand on en vient à déplorer avec de grandes lamentations hypocrites leur manque d'engagement. Ou de l'autre côté, à justement affirmer ''je fais du Rock, pas de politique'' (c'est souvent dans le but de se tirer d'une situation désagréable où des reproches sont soulignés – à tort ou à raison par de tatillons antifas en pleine partie de chasse, par exemple).

Tout est politique. Sûr ? J'en sais rien, putain.

Mais ce que je sais, voyez, c'est que la liberté, ça c'est politique (c'est même plus que ça, c'est au-delà de ça, mais bon, on va pas chipoter). « Mais, aussi, ''Melvins'' ça veut avant tout dire liberté »*. Ouaip pour moi c'est devenu en quelque sorte un synonyme.

 

Liberté. Quelque part où la forme serait le fond... Ici dans ces pages je vois certains confrères dissocier et analyser le fond et la forme. C'est salutaire, c'est bien de s'intéresser au fond, tout de même, et c'est plus si courant... Mais là où liberté règne, c'est peut-être justement dans le truchement du fond par la forme. Frontières musicales et stylistiques qui s'effondrent et se mélangent, dépassement de soi désintéressé dans l'expression, faire ce que les autres n'attendent pas forcément que tu fasses alors que tu as besoin d'eux pour vivre, mais tu le fais quand-même pour poursuivre ta quête, et réaliser ce qui se doit, ce que tu dois, en faisant participer ceux qui t'aiment ou t'entourent... Bref, tout cela fait partie de ces angles plus ou moins formels que je ne n'ai pas besoin d'éclairer ou expliciter outre mesure (ben si c'est ce que je fais, merdouille...) pour que l'on comprenne à quels fonds ils sont directement reliés, ou devrais-je dire ainsi fonds fondus dedans mon pote.

 

J'y pense, et c'est drôle car les Melvins sont à la fois un groupe totalement pas D.I.Y. et assez D.I.Y. quand-même** (à l'américaine, quoi, ahah), mais : sur ces pages appelées CORE et quelque chose, j'entends finalement assez peu parler du D.I.Y., ou quand justement la forme est au moins une partie du fond, érigé presque en art de vivre, ou en tous cas, en mode de vie. Sortir ses disques soi-même, en les ayant enregistrés soi-même, en les ''distribuant'' soi-même (ou avec des petites structures amies qui pourraient très bien faire partie du soi-même, hein, on parle pas d'entreprises là, ni même parfois d'assos, des gens qui se rassemblent sous des trucs informels – ouh : le fond et l'informel, quoi !), dans une démarche de non-profit, organiser des concerts soi-même, ça touche souvent la forme et le fond en même temps, bébé. La vérité, c'est que la plupart du temps, on s'en fout de la distinction à ce niveau-là, mais voilà bel et bien un engagement.

Attention, je parle pas de ceusses qui fonctionnent dans ce genre d'esprit-là comme par défaut, ceusses qui rêvent de se faire enregistrer par Kurt fucking Balleck au final et lâcheront tout cela dès qu'ils en auront l'occasion. Non. Je parle du D.I.Y., bordel ! Vous voulez pas parler un peu plus du D.I.Y., excusez-moi, mais je répète : bordel ?! Faut vraiment attendre que je sois là à soi-disant chroniquer le dernier album des Melvins pour en reparler ?!? Ils sont où les Punks, là ? Ils sont où les Hardcoreux ? A part Cromy qui chronique des palettes entières de groupes Crust et Punk, certes. J'en voyais encore un d'imbécile, y'a pas si longtemps, se lamenter sur sa scène locale selon lui indigente et auto-satisfaite. Ben bravo putain, c'est sûr qu'avec des trouducs pareils, la scène locale va grave avancer et s'améliorer rapidement. Des trouducs pareils vont vite relever le niveau grâce à leurs chroniques incroyables et leurs encouragements si constructifs. Ces trouducs pareils n'en ont rien à foutre en vérité de leur scène locale, et seraient même souvent ravis de la voir crever la gueule ouverte, aussi envieux, frustrés, sadiques ou juste débiles soient-ils.
Aussi incapables d’engagement soient-ils. Aussi peu libres soient-ils.

Je les plaindrais presque...

SOUTIENS TA SCENE LOCALE, ENFOIRE !

Mais bon, passons.

 

OK, je vois, l'engagement, le ''vrai'', le ''pur'', quoiqu'ils hallucinent par là, ben... ça peut être vraiment embarrassant. Par exemple, prenons le groupe L&S, avec Anthony Laguerre et le chanteur de ex-The Ex et l'Orchestre Symphonique du Gradus ad Musicam de Nancy, qui ont sorti y'a pas si longtemps un intéressant et beau disque intitulé When The Vowells Fall (« bn ç ft tt bzrr » comme j'aime à rire en réponse).

Eh bien ils ont fait un morceau qui s'appelle ''Can't Breathe''.

Oui. Vous voyez.

Les paroles de la chanson, c'est celles de George Floyd, voyez ? Ses mots ultimes.

Donc ils ont posé sur une musique entêtante les derniers mots de George Floyd. Et le morceau reste dans le crâne, je peux vous l'assurer.

Je n'y vois, qu'on se comprenne bien, aucune mauvaise intention de la part des artistes, bien au contraire pour sûr. Je ne sais à vrai dire encore aujourd'hui toujours pas trop quoi en penser.

Mais ça me colle un malaise. Évidemment, c'est normal que ça me colle un malaise, vu le sujet, et c'était le but, sans aucun doute. Mais enfin, ils ont pris ses derniers mots, à lui, mourant. Et ils en ont fait une chanson entêtante. Sérieux mec, quelque chose fait court-circuit en moi, c'est plus fort que moi.

Mais c'est une chanson engagée, ça c'est sûr. Et j'y pense souvent. Et j'y réfléchis. Donc...

(Ah si quelqu'un tente une blague sur l'appropriation culturelle, je vais vraiment faire un malaise, sans non plus oser dire que j'étouffe... Merde, trop tard.)

 

Foutre, où sommes-nous ?

 

Dans le corps-texte d'une chronique du nouvel album génial et libre des Melvins.

Groupe éclatant de liberté, un engagement en soi, groupe qui utilise et exprime cette liberté depuis désormais plus de quarante ans, et qui vient de sortir un disque (et même, une belle série de disques entre 2022 et 2024) qui peut encore surprendre, même si, ben on les a reconnus en quelques secondes, hein.

D'ailleurs, j'ai même été déçu à la première écoute de la première partie du premier long morceau de 19 minutes, ''Pain Equals Funny'', car j'ai tout de suite tilté sur la ressemblance avec un titre du second album solo de King Buzzo, une resucée de ''Bird Animal''. Cette déception a vite disparu quand j'ai entendu le reste de l'album. Ils ont bien le droit de réutiliser une idée, surtout dans un tout autre contexte et avec un autre arrangement, après tout... Et je trouve désormais que cela fait un très bon début inattendu, ce morceau solaire en pôle position, car ce qui suit ensuite... ça va pas trop l'être, solaire, ou alors c'est le soleil qui se rapproche lentement mais sûrement de la terre et déclenche l'Apocalypse. ''I'm about to make you happy'', ah oui, vraiment ? Gasp !

 

Car si le disque a été vendu comme « le plus bizarre que les Melvins aient jamais sorti », c'est pas pour cette introduction lumineuse, hein.

Mais justement : « le plus bizarre », disent-ils dans la promo. Pardon ? Le plus bizarre, vous bites ? On parle bien des Melvins, là ? Plus bizarre que Honky ? Plus bizarre que The Bootlicker, que Pigs Of The Roman Empire ? Plus bizarre que, que... PRICK ?!? Ou même plus bizarre que Freak Puke, ou Ozma !? Nan mais j'ai pas fini la liste, car y'a d'la compèt', à ce niveau ! « Qu'est-ce qu'ils racontent comme conneries encore ?!? », me suis-je dit de manière fort avinée euh avisée.

 

Et ma foi j'avais bien raison, ce n'est pas leur disque le plus bizarre, non.

Faut toujours se méfier de ces superlatifs aguicheurs. La plupart du temps, ce n'est que purs mensonges ou mauvaise foi.

Non, ici tout s'écoute très facilement si je puis dire, tout coule presque de source, avec une grande fluidité, donc.
C'est un disque bizarre, certes, après tout on sait chez qui on a mis les pieds, mais surtout c'est un disque où ils reviennent à plus de menace, un disque plus sombre que certains albums récents.

D'ailleurs une fausse (lol) note (à 4:00 précisément!) vient à plusieurs reprises perturber cette fameuse première chanson ouverte et positive, jetant un trouble temporaire en plein milieu de ce beau reflet chatoyant. Ça ne serait donc qu'une apparence, un leurre, et cette simple note de guitare plus que tendue laisserait entrevoir les trous de vers sous le sourire du masque ?

Oui, absolument. Ce premier mouvement s'efface comme par magie pour être remplacé par un groove verrouillé psychopathe particulièrement prenant et pervers. C'est fait avec une telle facilité, l'angoisse sourd au beau milieu avec un tel naturel, qu'on comprend pourquoi le groupe a choisi de coller ces différentes parties dans une seule et même plage interminable. Le temps n'existe pas, en voici une énième belle démonstration, les 19 minutes en question ne sont que pure théorie. Pochette surprise, les amis, ne dévoilons pas tout non plus, sachez que ça part en bœuf ensuite, mais du bon bœuf, avant de se la jouer le Retour de Pigs Of The Roman Empire (collaboration avec le sorcier du Dark Ambiant de la viande froide Lustmord, qui reviendra souvent en tête à l'écoute des battements de ce cœur de tarentule),

Indus, sons glacés, riffs malaxatifs et répétitifs...

 

Quelle entrée en matière ! Scrotch ! Planté dedans !

 

Suivront de méchantes montées d'acide : la Pop toute niquée de ''She Got Weird Arms'' et le cauchemar psyché total ''Allergic To Food'' (avouez que ça doit être un peu fâcheux), du pur Melvins costaud qui creuse avec ''Working The Ditch'', où Buzzo se met à bégayer des insenseries passées les 5 minutes, bref on se régale, miam, j'ai les dents qui grattent mes tympans mais sinon ça va pas mal, merci, mais que faites-vous chez moi dans ma baignoire avec ce canari mort à la place de la langue ?

 

Les voix sont souvent harmonisées, trafiquées, passées à la monstromoulinette pour encore plus d'effet LSD à retour arrière en catapulte à manchette sad-kick, le soi-disant Popeux Steven Mc Donald à la basse et aux chœurs fait ici des merveilles, un vrai travail d'orfèvre, de la dentelle de dégénérés.

On a toujours droit à ces quelques potentiels singalongyo Hardcore de l'espace conquérants (à peu près toutes les voix dans ''Smiler'', pis, en passant... raaah cette relance à suspense à 01:55 avant la partie Hardos Mad Max...) et à ces breaks rallongés et concassés typiques.

Ils réussissent également ici ou là à donner à des gros riffs limite stupides une dimension qui dépasse largement les standards : c'est un peu de la magie, les amis, car ils arrivent ailleurs, presque à l'inverse, à détruire la Pop de l'intérieur avec des plans atonaux quasi dodécaphoniques qui n'auraient rien à foutre là.

Et puis... ''Allergic To Food'', ça faisait longtemps qu'ils n'avaient pas sorti un morceau aussi acide, aussi flippé. Ça donne envie de courir en rond en riant comme un dément, les mains occupées à s'enfoncer des aiguilles dans les yeux. Si, si, oh mais vous d'abord, je vous en prie. Avec ''She Got Weird Arms'', on a là un couple de monstres parfait.

 

Nan vraiment je ne vois pas quoi lui reprocher à cet album, peut-être que bientôt Buzzo va nous apprendre qu'il a été entièrement composé via une I.A. nourrie par tous leurs disques précédents.

Ben vous savez quoi ? Si c'est le cas, je vois pas comment ça pourrait être mauvais.

 

 

 

 

 

* © Gulo Gulo styley, right ?
** Ils enregistrent eux-mêmes leurs disques avec leur ami Toshi Kasai*** dans leur propre petit studio depuis plus de vingt ans, Mackie Osborne, mariée à Mr. Buzzo, s'occupe des visuels des disques depuis des décennies (elle s'est particulièrement déchirée sur ce dernier méfait, le livret c'est tout une histoire), leur pote Tom Hazelmyer de Amphetamine Reptile Records réalise des séries limitées de pochettes en linogravures et sérigraphies, les membres du groupe montent et fabriquent eux-mêmes aussi des pochettes en séries limitées (Mackie-O' y a laissé un morceau de doigt il y a peu...), quand ils partent en tournée, ils conduisent eux-mêmes le van, 'fin bref...
*** Nan mais là, y'a carrément des astérisques et des renvois au cœur des notes de bas de page ?! Quand va s'arrêter ce cauchemar ?!? Bah, c'est parce qu'y'a plein d'infos que j'ai pas données**** dans toute ma longue chiasse, mais on peut apprendre encore plein d'autres choses en allant lire cette autre chiasse là-bas, 'tention, c'est de la chiasse anglophone.
**** lol ! Par exemple, j'ai pas dit que Roy Mayorga (Ministry, Nausea, Amebix, mais aussi Soulfly et... Stone Sour) jouait non seulement de la batterie avec Monsieur Crover, oui retour gagnant de la double batterie !, mais aussi du vieux synthé analogique. Et puis Gary Chester de We Are The Asteroid (faut que j'écoute ça !) est à la guitare additionnelle.
Ça y'est, j'ai fini, merci et désolé.

photo de El Gep
le 16/05/2024

14 COMMENTAIRES

cglaume

cglaume le 16/05/2024 à 12:06:49

Yum !

Les chros du Gepeto me mettent systématiquement le smile !!
Aussi bien du fait du fond que de la forme, Doudou dis-donc...

Moland

Moland le 16/05/2024 à 12:57:46

Veni legeri validi. T'es un grand fol !
Et quel album ! #top2024.

el gep

el gep le 17/05/2024 à 00:02:56

Tant mieux, les amis, tant mieux !
(Momo, j'ai commencé à écouter ce que tu m'as envoyé, on en reparle ailleurs plus tard !)

Moland

Moland le 17/05/2024 à 18:52:58

Pas de filtre sur tes retours, hein !

Dark Globe

Dark Globe le 17/05/2024 à 20:47:55

Rhâââ, un peu court l'album !
Dommage !

el gep

el gep le 17/05/2024 à 21:30:09

Dark Globolus, on dirait que t'es jamais content, toi !
Ecoute-le deux fois de suite, ça ira mieux.

Dark Globe

Dark Globe le 18/05/2024 à 10:08:29

Je pense que tu fais un amalgame entre deux concepts !

J'exprimais juste un regret !
Aucun rapport avec mon ressenti ! D'ailleurs l'album est vraiment ouf !
Mon tort aura été de ne pas l'exprimer ?!...

el gep

el gep le 18/05/2024 à 11:51:56

Ah bah tu vois.

Non, aucun tort, je te chambrais juste pour ton côté râleur ailleurs, rien de sérieux.

Dark Globe

Dark Globe le 18/05/2024 à 12:23:12

Suis moins râleur que passionné !

😉

Pingouins

Pingouins le 18/05/2024 à 18:04:47

Hey, dans le post-hardcore et le screamo y'a plein de trucs full DIY aussi hein x)

el gep

el gep le 18/05/2024 à 19:46:57

Je sais.
Vois ça, comme je vous tanne, comme un encouragement à en causer plus !

Johnkaplan

Johnkaplan le 21/05/2024 à 20:25:56

Luttant moi même pour la survie de la scène locale en Belgique ,j'ai beaucoup aimé ton approche des Melvins ! Moi qui suis de la génération Nirvana Melvins etc je ne peux qu'être du même avis ,quand aux restes ..fuck you ! John de l'émission Pogo Loco sur 48fm

el gep

el gep le 22/05/2024 à 13:00:08

Ca fait zirzir, John, courage !

el gep

el gep le 15/06/2024 à 14:03:13

Ah ben j'ai pas encore fini de chroniquer les osrties de l'année passée qu'ils ressortent déjà un truc.
Un split avec Boris:
https://www.shoxop.com/products/melvins-boris-twinsof-evil-cd

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